30 mars 2024

Douceurs du printemps


Tout a commencé la vieille quand j’ai savouré un bâton de tire d’érable au pied du mont Tremblant.

C’était un attrape-skieur à trois dollars le bâton. Une gâterie de fin de saison, une douceur du printemps. Mon fils voulait la sienne. Je me suis invité à sa partie de sucre.

Le lendemain matin, alors que je me demandais si j’allais une fois de plus monter faire du ski de printemps dans les Laurentides, le carré de neige du kiosque à tire d’érable m’est revenu en tête.

Pour faire du bon ski, il fallait que je trouve le même genre de neige transformée en gros sel par la douceur du printemps.

Il avait fait quelques degrés au dessous de zéro dans les Laurentides durant la nuit. Je savais donc que la vieille neige dans la forêt avait besoin de chaleur et de soleil pour dégeler et reprendre vie.

Le miracle allait-il se produire ce jour-là?

Comme on annonçait seulement deux-trois petits degrés au-dessus de zéro, j’avais peut-être affaire à un autre attrape-skieur. Mais comme la vieille au kiosque à tire d’érable, j’ai fini par me laisser tenter.

J’ai mis le cap sur le mont Catherine. J’ai posé mes bottes de ski dans la boue du stationnement. J’ai pris le bois sur un sentier pratiquement impraticable tellement il était sale, raboteux et glacé.

Mais j’étais à l’ombre, sous des conifères. En train de payer le prix pour trouver meilleure neige sous le soleil et les feuillus plus haut dans la montagne.

Du moins c’était l’espoir qui me faisait endurer l’épreuve.

J’ai émergé au soleil sur le flanc nord de la montagne. La neige était plus blanche et belle sous les feuillus, mais tout aussi glacée. Le soleil avait beau être à son zénith, ses rayons en provenance du sud glissaient la pente sans réussir à ramollir sa surface.

Il me restait un espoir: gagner le sommet où les lois de la géométrie obligeait le soleil à taper plus d’aplomb.

J’ai senti mes skis s’enfoncer dans la neige un peu avant d’arriver tout en haut. L’inclinaison devenait plus faible. Le soleil plombait la neige au lieu de l’effleurer. J’ai enfin eu du plaisir à glisser et à tourner sur la crête du sommet.

Puis j’ai basculé côté sud et j’ai trouvé le carré de neige qui a sucré ma journée.

Je surplombais la plus récente attraction pour skieurs sur le mont Catherine: des descentes destinées aux skieurs qui montent en peaux d’ascension et descendent les talons coincés dans leurs fixations.

Une de ces descentes commence entre deux falaises. Il y avait de la belle neige cachée au creux de cet abri naturel. Et perché au sud, en plein dans l’axe du couloir, le soleil achevait de la dégeler

Quand on fait de la tire d’érable, on étale coulées de sirop après coulées de sirop dans le même carré de neige.

J’ai fait pareil dans mon carré de neige où je me suis laissé couler plusieurs fois en traçant des volutes de virages.

Ça aussi c’était une gâterie de fin de saison, une douceur du printemps. Qui valait largement le prix que je l’ai payée. 

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