En me préparant à partir, je me suis dit que je m’en allais à la chasse au trésor englouti.
Ma tenue renforçait l’analogie. Je portais la tuque rouge et le manteau jaune que j’ai adoptés pour avoir l’air d’un plongeur de l’équipe Cousteau des années 70 quand je fais du ski.
J’ai enfilé les bretelles de mon sac à dos comme les vrais plongeurs enfilent celles de leurs bonbonnes. J’ai chaussé mes skis comme ils chaussent leurs palmes. J’ai plongé dans la forêt des Laurentides
J’étais à Saint-Hippolyte, m’enfonçait dans un coin sauvage qui a longtemps été un fief du ski.
Le village voisin, Shawbridge, était en ce temps-là un repaire de skieurs. Les trains des neiges arrêtaient là. Jackrabbit Johannsen habitait là. Le Laurentian Lodge Ski Club se trouvait là, tout comme le quartier-général du McGill Outing Club. Et tout ce beau monde faisait du ski dans les collines au nord du village où couraient des milles de sentiers.
Ces pistes-là n’ont pas complètement disparu, mais les années les ont amoché. La Flight’s Delight ne vole plus haut. La Whizzard a perdu de sa magie. Ce qui reste de la MOC voit surtout passer des raquetteurs. Et La «Valley of the Fallen Women» a depuis longtemps sombré dans l’oubli.
Le trésor vers où je piquais à travers bois se trouve sur une vieille piste avec un nom digne d’une chasse au trésor: la 6X.
C’est une longue descente grisante, riche en cassures de pente, en virages serrés et en lignes droites vertigineuses, qui dégringole d’une colline sans nom.
Une descente longue de presque un kilomètre où on perd une centaine de mètres d’altitude dans un tracé qui nous force à sortir nos armes: coup de frein, dérapage, braquage, virage télémark…
Un trésor, donc. Mais englouti au fond d’un triangle des Bermudes.
Pour l’atteindre, j’ai d’abord pris une piste «officiellement fermée» qui passe sur un terrain privé. Puis j’ai osé m’aventurer dans la chasse-gardée d’un développement immobilier, la Réserve Ogilvy.
J’arrivais par le bois. Personne n’était là pour m’interdire l’accès aux «sentiers à l’usage exclusif des résidents» qu’on trouve dans cette chasse-gardée. Et à lui seul, cet avertissement inscrit sur la carte des sentiers de la Réserve installée dans la forêt ne m’a pas empêché de continuer vers mon objectif.
Je nageais donc en eaux troubles quand je me suis laissé couler dans ma descente engloutie. Puis j’ai négocié un premier gros virage et plongé dans un autre panier de crabes.
Le bas de ma fameuse descente se trouve en effet sur le territoire d’une autre municipalité, Piedmont. Et au fin fond d’un lot appartenant à un propriétaire qui a une réputation de bête féroce.
Lui non plus n’était pas dans le bois pour me montrer les dents. J’ai louvoyé avec bonheur jusqu’au pied de la colline. Puis je suis vite reparti par où j’étais venu en profitant de ma remontée pour mieux apprécier ma descente.
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