Un accident de ski
J’aurais tellement préféré le trouver sur ma route en plein bois.
Mais il n’était pas à Morin-Heights, dans la colline où la piste «Les Fondeurs» s’étend en long et en large.
Sur cette autoroute pour skieurs, conçue pour faire travailler les athlètes du pas de patin, on peut faire du bon ski à flanc de montagne quand les conditions sont difficiles.
Voilà pourquoi j’avais choisi ce terrain de jeu par une journée froide où je n’ai croisé que quelques skieurs et un écureuil.
J’ai couru le flanc de montagne, monté au sommet en bifurquant sur un sentier de randonnée alpine. J’ai pratiqué mes virages télémark chaque fois que le tracé me lançait dans une bonne pente. Puis le soleil est parti se faire voir ailleurs et j’ai pris le chemin du retour.
Mon plan avait bien marché. J’étais de bonne humeur. Je me suis arrêté à Saint-Sauveur acheter des cadeaux de Noël. Puis j’ai pris l’autoroute 15 en faisant des plans de ski pour le lendemain.
Lui aussi était sur l’autoroute 15 quand j’ai atteint Saint-Jérôme. Dans le terre-plein entre les deux voies de circulation.
De loin, j’ai vu la voiture de police et le véhicule de contrôle routier arrêtés à sa hauteur. Les deux faisaient aller leurs gyrophares, mais je n’ai pas capté leur message. Il n’y avait pas d’accidents, pas d’autres chars immobilisés. J’ai continué à 110 km/h dans la voie de gauche, les yeux sur la voiture de police bizarrement garée de l’autre côté du terre-plein.
Quand je l’ai vu, il était drette là, en plein dans ma trajectoire. Un petit chevreuil assez petit pour disparaître derrière le nez de ma voiture juste avant l’impact.
Je ne l’ai pas revu dans mon rétroviseur, mais j’ai vu des lambeaux de voiture dégouliner sur la chaussée.
J’ai eu le réflexe de couper vers la sortie d’autoroute qui se trouvait juste là. J’ai immobilisé mon char blessé dans un stationnement de centre commercial.
Côté conducteur, il y avait un vide béant là où il y aurait dû avoir une aile, un phare. Sur ma portière, il y avait des giclées de sang.
Heureusement, le policier du terre-plein m’a retrouvé. Il m’a raconté que le faon avait déjà été blessé par autre auto de l’autre bord de l’autoroute, qu’il avait essayé de l’approcher pour l’abattre, à quel point ça arrivait souvent.
Puis on a réglé les formalités et j’ai attendu la dépanneuse en ressassant toutes les décisions que j’avais prises depuis le matin pour arriver au mauvais endroit au mauvais moment.
C’est une complainte en si mineur. Si j’avais saisi le message des gyrophares. Si j’étais rentré à n’importe quel autre câlice de moment. Si javais laissé faire les crisses de cadeaux. Si j’avais choisi une autre destination. Si j’étais bêtement resté chez nous. Si je n’aimais pas tant le ski.
Ce si-là résonne plus que les autres. Si je n’aimais pas tant le ski. C’est triste de penser ça. Mais c’est ça que je pense.
1 commentaire:
Au mauvais endroit au mauvais moment au moins tu n’es pas blessé.
Passe de belles fêtes avec les tiens.
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