13 avril 2022

Pour une dernière fois

 

Pour une dernière fois

On ne sait jamais quand on est en train de skier pour la dernière fois de l’hiver.

Du moins quand on compte parmi ceux qui essaient d’étirer au maximum leur saison de ski. Au pire jusqu’à la fin mars. Au mieux jusqu’à la fin avril.

Mais parfois une saison partie pour continuer prend fin d’un seul coup de théâtre. Coup de chaleur. Coup d’eau qui tombe du ciel. Ou coup de la vie qui nous rappelle qu’il y a des choses plus importantes que le ski.

J’ai skié une fois en me disant que c’était ma dernière fois de l’hiver. Mon beau-père était à l'hôpital à ce moment-là. Les dernières nouvelles n'étaient guère encourageantes. On désespérait de le voir reprendre le dessus, rentrer chez lui sur ses deux jambes.

Moi j’étais dans le bout du refuge de l'Alpage un 10 avril. Sur mes deux jambes. Les pieds dans la neige et la tête dans les nuages noirs qui planaient sur ma belle-famille.

À cause de mon beau-père, la vie et la mort s’apprêtaient à couper court à ma saison de ski. Mais ça ce n’était qu’un côté de la bonne vieille médaille.

L’autre, c’est que je n’aurais jamais été là sans lui.

À la fin des années 70, comme mon père et comme des milliers d'autres pères québécois, mon beau-père s'est mis au ski de fond avec sa jeune famille.

C'était à Danville dans les Cantons de l’Est. La famille fréquentait le défunt centre de ski de fond du mont Scotch Hill.

C'est comme ça que ma blonde a appris à aimer le ski pendant que je faisais pareil avec ma famille sur la Côte-Nord. Dans le bois pas le loin de chez nous, et sur le sentiers du club de ski de fond de la défunte ville d’Hauterive.

Ensuite, on a veilli jusqu’à devenir des jeunes trop cools pour faire du ski fond. On a quitté nos régions pour étudier. On s’est rencontré à Montréal. Puis on est devenu un jeune couple qui s’est mis au ski de fond pour profiter de l’hiver.

Et pour moi le ski s’est transformé en passion d’une vie.

D’où ma présence sur un sentier des Laurentides un 10 avril.

Je me suis retrouvé au chevet de mon beau-père quelques jours après cette randonnée. Son cerveau avait rendu l’âme. On était réuni autour de lui pour assister à sa fin assistée.

Mais avant, on a écouté avec lui quelques-unes de ses chansons préférées.

Pour une dernière fois de Gerry Boulet faisait partie du lot.

J’ai fait du ski une fois avec mon beau-père. C'était sur les sentiers du club de ski de fond de la ville autrefois connu sous le nom d’Asbestos. Ma blonde était là, sa mère aussi. Renaud était tombé dans un petite côte. On avait ri, et on s'était un peu inquiété pour cet homme dont le corps vieillissait plus vite que la moyenne.

Cete fois-là avait été une de ces dernières fois qui se produisent sans qu’on s’en rende compte. Renaud n’a jamais refait de ski et on n’a jamais refait de ski avec lui.

J’avais raté ce jour-là l’occasion de le remercier de m’avoir mis sur la piste de la neige et du ski. Je me suis repris en silence pendant que la voix de Gerry Boulet emplissait une chambre d’hôpital.

Merci Renaud. Tu es tombé une dernière fois. Maintenant c’est nous qui devons nous relever.


Ma descente dans la Descente aux Enfers.

Le refuge La Cordée m'a servi de camp de base.

Depuis ma dernière visite, on a refait les murs à l'intérieur.

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