On était au milieu d’avril. Il faisait beau et chaud à Montréal. Je mettais mes skis dans ma voiture en me demandant si les voisins trouvaient maboule le gars qui s’en allait chercher l’hiver par une journée d’été égarée au printemps.
La blonde du gars, elle, avait son idée là-dessus. Elle ne comprenait pas pourquoi il n’était pas tanné de la neige et du ski.
J’ai pris la route, monté dans le nord. Le paysage est resté vert et brun jusque à Saint-Sauveur. Puis les flaques de blanc ont commencé à se multiplier, à grandir, à prendre le dessus dans le paysage.
L’autoroute 15 m’a amèné à Sainte-Adèle. La route 370 m’a amèné à un chemin de terre. Le chemin de terre m’a amèné à l’endroit où je suis parti en ski pour aller nulle part.
Nulle part, c’est le nom qu’un ami skieur donne aux spots secrets qu’il me fait découvrir.
Mais ce jour-là, je m’en allais nulle part en solitaire. Mon ami était ailleurs. Le reste du monde aussi. Je n’ai vu personne sur le sentier où j’ai piqué vers la colline que je m'en allais monter et descendre.
Aussitôt, la glisse est devenue meilleure. Le sentier que je venais d’abandonner était dur et cahoteux. Dans la colline, sous des arbres qui allaient bientôt redevenir des feuillus, la neige vierge ramollie par le soleil cédait agréablement sous mes skis.
Au sommet de la colline, le printemps avait déjà fait disparaître la neige sur un buton dégagé. J'ai touché terre sur cet ilot entouré de blanc. Puis j'ai mangé mon lunch assis à l'ombre de mes skis qui attendaient plantés là que je reprenne la neige.
J’ai beaucoup aimé l’équipe Cousteau quand j’étais enfant. Ce que j’ai fait ensuite ressemblait à un épisode de son odyssée sous-marine. J’ai plongé d’un côté de la montagne, trouvé une épave rouillée, remonté, replongé vers le sud, suivi un couloir jusqu’au pied d’une falaise, remonté encore en faisant des paliers pour reprendre mon souffle.
Tout ça était du jamais vu, du jamais skié. C’était la première fois que je baignais dans cette lumière, que je flottais dans cette neige printanière.
Voilà, c’est ça. En ski, on est toujours plongé dans l’inconnu. Le sentier le plus familier n’est jamais tout à fait pareil. La descente qu’on a dévalée cent fois réclame toujours toute notre attention.
C’est pour ça que je suis allé nulle part ce jour-là. Et que je n’aurais pas voulu me retrouver nulle part ailleurs.
1 commentaire:
C'est bien dis, mais tu oublis qu'on est pas tanné de skier en avril, c'est la même raison que la bière est excellente sur une terrasse pour l'après ski avec le soleil qui dure un peu plus longtemps...
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