Au niveau des pieds, mon grand m'avait déjà dépassé.
Les siens ne rentraient plus dans des bottes achetées pour les miens. L'hiver d’avant, je pouvais encore lui en passer une paire. Mais cette fois il a dû emprunter celles d'un ami bien plus costaud que moi.
Mon grand ne me dépassait pas encore en taille. Mais alors qu'on grimpait au flanc de la montagne, il m’a dépassé en coup de vent. Ses jambes étaient plus vives. Son souffle étaient moins court. Il sprintait, s'arrêtait, m'attendait. J’étais encore le chef qu'il suivait en restant devant.
Le sommet approchait, mais pas de lui-même. Il fallait qu'on peine pour l'avoir sous nos skis. Il y en avait un qui peinait plus que l'autre.
Il est arrivé en haut, m’a regardé arriver en haut. J’ai repris mon souffle avant d’expliquer mon plan pour la descente. Partir par là, couper là-bas. S'arrêter à intervalle régulier. Rester ensemble.
On s’est laissé aller dans un sous-bois. On a pris de la vitesse. On s’est mis à tourner parmi les arbres.
Sur ce terrain, j’ai repris le dessus. J'avais des milliers de virages télémark derrière moi. Lui fasait ses premiers de l'hiver. Si je trainais encore derrière, cette fois c'était pour avoir mon enfant à l'oeil.
Puis soudain j’ai vu l’enfant disparaître.
L'espace de quelques virages, le fils a eu un moment de grâce comme son père n'en avait jamais eu.
C'était comme une prémonition, un flash en provenance du futur qui s'est évanoui quand il a vacillé et tombé sur le cul.
Mais j'étais derrière et j'ai vu ce qui montait en lui. Le meilleur skieur que moi. L'homme. Celui qui, un jour, va continuer sans moi.
Et moi aussi, debout sur mes skis, je suis tombé sur le cul.
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