25 décembre 2023

Trains des neiges

 

 Trains des neiges

Le seul vrai train des neiges que j’ai pris dans ma vie est devenu un train fantôme.

C’était en 2014 dans Charlevoix.

Dans ce bon vieux temps-là, à Baie-Saint-Paul, on pouvait prendre le train à l’hôtel La Ferme aller faire du ski au Massif.

On était toute la famille. Le train nous a amené à travers champs, puis a louvoyé entre le fleuve encombré de glace et la montagne encombrée de neige. On a roulé à travers le village de Petite-Rivière-Saint-François. On est descendu à une petite gare plantée au bord du fleuve. On a pris une télécabine de transit. Puis on a gagné le sommet de la montagne par la voie des airs, à bord d’une autre télécabine.

C’était beau. C’était dramatique. C’était une petite aventure. Mais c’était aussi une folie commerciale.

Trop lent, trop cher, trop peu populaire, ce train des neiges-là n’a fait que passer dans notre paysage avant d’en disparaître.

Depuis, quand on rêve prendre un train des neiges au Québec, il faut l’inventer.

La première fois que j’ai essayé, je suis parti de Montréal pour aller à Québec. Début du mois décembre, avec mes skis dans une gaine de transport et tous mes bagages dans un sac à dos. Il faut voyager léger quand on prend un train des neiges.

Arrivé le soir à Québec, j’ai marché jusqu’à mon hôtel avec mon attirail en constant l’ampleur d’un désastre. Une grosse pluie suivie d’un gros frette avait transformé la neige locale en béton glacée.

C’est un des désavantages du train des neiges. Une fois son billet acheté, on ne peut pas renconcer à partir même si on sait qu’on trouvera pas de neige à destination.

Le lendemain, donc, pas question d’aller faire du ski de fond sur les plaines d’Abraham comme j’aurais été heureux de le faire s’il y avait eu de la bonne neige en ville.

J’ai plutôt pris un «taxi des neiges» vers Lac-Beauport . Pour aller faire trois heures de ski de descente à la station le Relais.

On était un jour de semaine. J’ai fait du bon ski sur des pistes presque désertes. Puis j’ai attendu très longtemps le taxi qui m’a ramené en ville.

N’empêche, je suis arrivé à temps à la gare. Et je suis reparti de bonne humeur vers Montréal.

Puis mon voyage en train des neiges a viré à la catastrophe.

Non, mon train n’a pas déraillé. C’est plutôt un train de marchandise qui avait déraillé quelque part en Montérégie. Non, ce train-là ne nous barrait pas la route. C’est plutôt un autre train de marchandise bloqué par le premier qui nous empêchait de passer. Pendant une heure. Deux heures!

On était nombreux dans le wagon où j’envoyais de messages de plus en plus désespérés à ma blonde. Masqués pour cause de COVID. Coincés comme des passagers d’avion puisqu’on nous interdisait d’aller prendre l’air dehors. Des naufragés du rail.

Personne ne pouvait nous secourir puisqu’on n’était pas en danger. On n’allait pas passer aux nouvelles. On était bêtement coincé dans un imbroglio ferroviaire qui semblait parti pour ne jamais finir.

Quatre heures ont passé avant qu’on puisse passer. On est arrivé à Montréal tard dans la nuit et en beau fusil contre l’idée même de prendre le train.

On était une poignée à attendre nos bagages. On se regardait comme se regardent tous les rescapés en attendant le moment où on allait enfin pouvoir partir chacun de notre bord.

Puis un employé de VIA est venu nous annoncer que le monte-charge devant lequel j’attendais mes skis était tombé en panne pendant qu’il montait nos bagages.

Et j’ai juré que plus jamais…


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