09 avril 2023

L'écume du printemps

L'écume du printemps

L’idée ce jour-là c’était de trouver de la neige exposée au soleil.

Voilà pourquoi j’ai commencé cette randonnée sur le terrain de golf du mont Gabriel.

On était début avril. Le soleil brillait de tous ces feux dans un ciel bleu d’un bord à l’autre. Et en prenant le large sur le golf, j’ai eu l’impression de débarquer sur une banquise.

Dans les jours précédents, la neige avait neigé sur les Laurentides. Puis la pluie était tombée. Puis le froid avait transformée la neige mouillée par la pluie en banquise blindée impraticable en ski.

Dans ces moments-là, il faut s’en remettre au soleil. Et j’ai senti en mettant les skis sur le terrain de golf que j’avais bien fait de me fier à lui.

Il était à peu près midi. Il faisait quelques degrés au-dessus de zéro. Le soleil avait déjà crée un mince couche de neige molle à la surface de la banquise. Les écailles et les carres de mes skis mordaient bien là où ils m’auraient eu aucun prise quelques heures auparavant.

Pourtant, personne n’avait eu la même idée que moi. C’est souvent comme ça en avril. J’étais un aventurier solitaire dans l’immensité d’un golf.

J'aurais été très content de passer l'après-midi à errer dans ce vaste espace où la bonne glisse transformait la moindre petite pente en longue descente propice aux virages. 

Mais j'ai trouvé un sentier, découvert que le soleil attendrissait aussi la neige sous les feuillus clairsemés. Alors j’ai eu une autre idée: aller tenter ma chance dans les «pentes perdues» du mont Gabriel.

Cette station de ski alpin a déjà été beaucoup plus vaste qu’elle l’est aujourd’hui. Dans le bon vieux temps, son domaine skiable s’étendait alors sur une colline qui se trouve au nord de son stationnement.

Les deux pistes abandonnées qu’on aperçoit de son pavillon d’accueil sont les vestiges les plus visibles de cette époque; mais il y avait aussi des pistes et une remontée au de la même colline.

C’est du côté de cette «face cachée» que je suis allé tenter ma chance.

Je savais que les anciennes pistes de ski alpin étaient encore bien dégagées... mais je ne m'attendais à les trouver parfaitement surfacées par les forces de la nature. 

De ce côté-là aussi, la neige, la pluie et le froid avaient fait leur oeuvre. Les pistes abandonnées étaient devenues des patinoires parfaitement lisses qui ramollissait sous les rayons du soleil.

Je glissais sur une mince couche d'écume crée par le soleil à la surface de la neige. Ça tournait bien à grand coup de virages parallèles. Je remontais sans problème d’adhérence sur mes skis à écailles. J'en ai profité jusqu’à ce que mes jambes baissent les bras après quelques remontées.

Le ski est un sport d’hiver qui devient une science au printemps. Pétrifiée par le gel, la vieille neige a besoin de l’énergie du soleil pour sortir de sa torpeur. Selon une équation où figurent des facteurs comme la température, l’ombre des arbres, l’heure, l’orientation d'une pente, son degré d'inclinaison.

Morte  la nuit, la neige morte reprend vie à la lumière du jour. Il faut être là quand le miracle se produit, en profiter pendant que ça passe. Parce que cette vie-là non plus n’est pas éternelle.

Une de mes pentes préférées sur le golf.
 
J'étais seul dans l'immensité... d'un golf.

La piste abandonnée où j'ai fait mes deux meilleures descentes de la journée.

Les conditions étaient tellement bonnes que j'ai osé descendre la ligne de l'ancienne remontée.

Même la route non déneigée qui passe dans le coin était bonne à skier.
 

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