Nulle part au Mexique
On est arrivé au Mexique par le chemin du Nordet.
On a abandonné notre voiture avec celles des autres, sorti nos skis, marché dans la boue brune d’un ancien chemin forestier.
La bande nous attendait pas loin, là où il y avait encore un peu de neige dans le chemin. Son chef a salué la nouvelle recrue que je lui amenais. Mon fils de 17 ans qui joignait notre bande de desperados.
Cette bande-là se forme tous les mois d’avril quand le printemps envahit les Laurentides et que les autres skieurs locaux rendent les armes.
Les desperados, eux, résistent, gagnent une journée de ski, puis un autre, puis une autre encore, en courant les coins où l’ennemi n’a pas encore liquidé toute la neige.
Puis vient le jour où les forces du printemps nous poussent dans notre dernier retranchement, quelque part sur le flanc nord d’une montagne encore un peu blanche.
Peu importe la date, c’est notre Cinco de Mayo. Qu’on fête en chemise fleuris et en chapeau de paille, mais avec nos skis en guise de sandales.
Sous un soleil du Mexique, notre chef avait allumé un feu de camp d’où on est parti en suivant un ruisseau transformé en Rio Grande par le printemps
La neige était rare, le terrain hostile. Il fallait enjamber des arbres, esquinter nos skis, braver l’eau du ruisseau.
On gagnait de l’altitude, mais c’était aussi la débandade. On s’est dispersé. On s’est perdu de vue. Puis on s’est retrouvé près du sommet où la neige s'accrochait au paysage.
On a trouvé une bonne descente, dégainé nos appareils photos. Tout le monde a regardé tout le monde faire des virages et prendre des plonges. C’était la fiesta sur la montagne.
On est rentré camp en fin de journée, fatigués, affamés, assoifés. Des tacos ont cuit sur le feu. Des bières et des Pisco sour ont atterri dans des mains. Une pinata en a mangé une. C’était la fiesta au bas de la montagne.
Et c’est comme ça qu’on a dit adios à la neige et au ski. Parce que toute bonne chose à une fin, et que toute bonne fin est une fête.